Rapport de visite

 

Participants

Monsieur BERGANS, professeur d’Économie Rurale retraité, promoteur du projet Chimie Végétale,

Madame FERON, attachée à la Direction Générale de l’Agriculture de la Région Wallonne

Madame LANGE, agricultrice à la Ferme de la Basse

Monsieur LARUELLE, négociant en grains et président de l’association Valonal

Madame NOVAK, chef de projet  VALONAL – Faculté des Sciences Agronomiques de Gembloux.

Monsieur WATHELET, professeur de Chimie à la Faculté des Sciences Agronomiques de Gembloux,

 

Dates

Du 22 au 24 janvier 2001.

Destination

Monsieur Alain JUSTE, La Tuquette, Pont du Casse, 47 480 AGEN.

 

Sujet de la visite 

Monsieur JUSTE a installé ses presses depuis 6 ans avec l’intention de démontrer la rentabilité de la filière huile carburant, et d’insérer sa démarche dans une logique économique plutôt que de dépendance par rapport aux aides extérieures.  Une cinquantaine de presses de ce type fonctionneraient dans la région.

 

Actuellement, sa production d’huile est limitée mais il a introduit une demande d’exonération de la TIPP (accises sur les carburants) pour 500.000 litres.  Dans ce cas, il augmenterait le nombre de presses de type 55, et pourrait même engager du personnel technique et commercial.  L’huile est uniquement utilisée comme carburant dans des véhicules légers, sans modification importante du moteur.

 

L’objet de la visite est pour nous de se rendre compte de la faisabilité technique de l’installation d’une petite presse à froid dans le cadre d’une exploitation agricole, et d’évaluer les contraintes de cette installation pour un agriculteur wallon.  En effet, Valonal et plusieurs partenaires ont l’intention d’appuyer un agriculteur à installer un tel dispositif, et a déposé une demande de subvention auprès de la Direction Générale de l’Agriculture pour financer les recherches liées au développement des applications des coproduits (huile et tourteaux).

 

Caractéristiques techniques de l’installation

Le tournesol doit être séché au moins à 7 % afin d’éviter les problèmes de corrosion.  Pour ce faire, dans le cas où le grain n’est pas assez sec, il utilise un séchoir (type séchoir à graines de betteraves) avec ventilation d’air atmosphérique si celui-ci est à moins de 45° d’hydrométrie.  Dans son séchoir de  4x4x1 m, il peut sécher 6 tonnes à la fois.  Le grain sec est stocké dans un silo qui alimente la trémie par une vis sans fin.  Un contacteur permet d’alimenter automatiquement la trémie. 

 

Son installation est équipée de deux presses, une de type 40 qui tourne depuis 25.000 heures et une de type 55 qui a 6.000 heures de fonctionnement (qu’il recommande).  Les réglages à apporter au niveau de la presse sont simples : diamètre des buses de sortie et régime du moteur (lui règle vers 50 tours/min, mais il faut trouver l’optimum).  Lors de l’allumage de la presse, il faut respecter un temps de préchauffage, puis démarrer à chaud avec une buse de plus grand diamètre. 

 

Il n’y a pas de problèmes à laisser tourner la presse sans l’alimenter en grains.  Par contre, on pourrait prévoir des sécurités afin de couper la presse en cas de bouchons pouvant provoquer un échauffement.  C’est un cas qu’il n’a pas encore rencontré. 

 

Après être passés à proximité d’aimants pour enlever les éventuels débris métalliques, les grains arrivent dans la presse par l’intermédiaire d’une buse flexible de type « séchoir à linge ».  L’huile qui sort (aux environs de 30 °C) est recueillie dans une gouttière PVC et est dirigée vers un container PVC où elle doit décanter au moins 72 heures.  Les boues de décantation sont vidangées vers un big-bag suspendu au-dessus d’un caisson de collecte de l’huile résiduelle.  30 tonnes de grains triturés donnent environ 500 kg de boues, qui sont apportées comme complément aux animaux. 

 

Une pompe à gasoil reprend ensuite l’huile décantée pour l’amener vers les filtres.  La filtration se fait dans 3 rangées de 9 filtres papiers plissés coniques[1] (environ 14 litres) de 5 microns.  Chaque filtre peut filtrer environ 120 litres avant d’être colmaté.  Il est ensuite laissé à ressuyer puis brûlé. 

 

La teneur en phospholipides de l’huile (qui peuvent gommer les moteurs) est très faible (moins de 1.7 ppm). 

 

A sa sortie, le tourteau est aux environs de 50 °C.  L’huile et le tourteau se conservent très bien, il n’y a pas de rancissement au moins pendant 6 mois.  Le taux de cétane ayant tendance à augmenter au cours du temps, le vieillissement de l’huile n’est en tous cas pas préjudiciable en tant que carburant. 

 

Schéma

 

Pour la maintenance, la vis est changée toutes les 1200 heures et l’embout toutes les 2000 heures.  Le roulement de butée doit être changé toutes les 6500 heures.  Les principaux problèmes techniques se situent lors du redémarrage avec une nouvelle vis.  Il faut rester vigilant la première journée.  La presse  en fonctionnement nécessite un passage quotidien, consacré principalement au remplissage manuel des filtres (2 à 3 fois par jours si on veut assurer un processus continu).  Les bidons et les containers pour l’huile ainsi que les bidons pour le tourteau proviennent de récupération (bidons phytos et containers aliments).  Le produit de nettoyage utilisé est de la lessive de soude à 30 %.   L’huile est vendue au poids.

 

Application comme huile carburant

Dans le cas de moteurs à injection indirecte, un léger tarage des injecteurs peut s’avérer nécessaire, surtout dans les anciens véhicules, ainsi qu’une programmation plus longue du temps de préchauffage.  Dans les véhicules légers actuellement mis sur le marché, aucune transformation n’est indispensable.   

 

Son propre véhicule a fonctionné 70.000 km avec un mélange de 50 % huile et 50 % gasoil, puis avec 130.000 km avec 100 % huile végétale brute.  Dans la région, environ 120 véhicules fonctionneraient de la sorte.  Actuellement, ce type de carburant ne bénéficie de l’exonération octroyée aux biocarburants-diester.

 

Il faut éviter les pompes de marque ROTODIESEL montées sur les voitures.  Tourtes les pompes habituelles (BOSH, marques japonaises,…) ne posent pas de problèmes. 

 

Dans le cas de moteurs à injection directe, il est nécessaire d’installer un système parallèle afin de démarrer et d’arrêter le moteur avec du diesel, ou bien d’utiliser un mélange huile-diesel.  En cas de gel, un peu d’essence (0.5 litres par réservoir) peut être ajoutée à l’huile dans le réservoir, mais l’huile de tournesol ne fige pas avant –17°C. 

 

Il n’y a pas de différence de consommation de carburant : la différence de pouvoir calorifique entre l’huile et le gasoil (faible) est compensée par la réduction de consommation liée aux rapports de couples.

 

Dans une chaudière, il faut tarer les injecteurs et démarrer les pompes à chaud.  Prévoir un préchauffage en hiver.


 

Quelques données économiques

 

Le tournesol est acheté chez des agriculteurs à la récolte (mais reste stocké chez eux).  Il est payé selon le marché, (de 1.1 à 1.5), par exemple cette année le prix a été de 1.37FRF/kg.  Le carburant est vendu 4 FRF/litre aux particuliers.  Le tourteaux est vendu 1.4 FRF/kg à des éleveurs de la région.  Ce prix a été fixé en fonction de la teneur en protéines.  Il ne varie pas au cours du temps.

 

La puissance de la presse est de 1.2 kWh.  Le tarif EDF est de 0.30 FRF/kWh sauf 22 jours par an. 

 

Un embout coûte 2500 FRF.  Toutes les 1200 heures, il doit changer la vis, car le tournesol est très abrasif.  D’après ses calculs, l’amortissement lui coûte 30  (1.8 BEF) centimes par litre d’huile en 3 ans.  Le prix de revient de l’huile est de 1.50 FRF/litre.  Selon lui, le bilan énergétique est très satisfaisant et le bilan économique est très intéressant en cas d’autoconsommation de l’huile comme carburant. 

 

Utilisation des tourteaux

Ses tourteaux ont été analysés par le CETIOM.  Il a été utilisé pour alimenter des chevaux, des porcs et des poulets.  Il a également été apporté à des moutons.

 

Visite d’un éleveur

 

Ce jeune éleveur possède 120 Blondes d’Aquitaine.  Après un ou deux vêlages, les femelles sont engraissées.  Les veaux sont principalement vendus en Italie.  Les taureaux sont également vendus.  Auparavant, il donnait du tourteaux de soja, mais maintenant il préfère le tourteau de tournesol de Monsieur Juste.  D’abord il s’agit d’une production locale, ensuite son prix est très stable.  De plus, il n’a pas à craindre les OGM et l’apport en graisses est plus élevé.  Il dose selon la teneur en protéines.  Il apporte 2 kg de maïs concassé pour 1 kg de tourteau ainsi que du foin.  La quantité distribuée est appréciée par lui.  Son objectif est de simplifier le travail et les rations et de minimiser le coûts des aliments. 



[1] Filtres PRAT DUMAS & Cie, Couze St Front, 24150 Lalinde, n° J065311.