Article du dossier de campagnes solidaires, n° 153, juin 2001, mensuel de la Confédération Paysanne



Biogaz

la france en quête de références

Après la chute des cours du pétrole, 90 % des installations de biogaz à la ferme furent abandonnées en France. C’est pourtant le pays d’Europe qui possède le plus gros potentiel de production.


 

 

Au moment des chocs pétroliers de 1973 et, surtout de 1979, la plupart des pays européens cherchent à développer le biogaz "à la ferme". Environ trois cents installations sont construites dans l’Europe des Douze, plus une centaine en Suisse. La plupart ont gardé leur caractère pilote. Et d’autant plus qu’à partir de 1986, la chute des cours de l’énergie annule toute perspective de rentabilité de ces unités, dont beaucoup furent abandonnées.

Alors que la France compte aujourd’hui moins d’une dizaine d’installations, on assiste au renouveau de cette application en Allemagne, plus particulièrement en Bavière où le nombre d’installations "individuelles" approche le millier. Elles sont construites pour partie par les agriculteurs, avec l’assistance technique d’entreprises fournissant des modules prêts à être installés.

La démarche suivie par le Danemark, après les années quatre-vingt, est radicalement différente. Ce pays — suivi depuis peu par l’Allemagne —, a centré ses efforts sur des installations collectives de méthanisation de lisiers. Les vingt-cinq existantes aujourd’hui au Danemark ont bénéficié d’effets d’échelle et d’un soutien logistique déterminant des pouvoirs publics. Ces unités traitent aussi bien les lisiers, que les déchets de l’agroalimentaire, des abattoirs, ou des boues urbaines. La production de biogaz augmente ainsi très sensiblement et les recettes dégagées permettent de générer des redevances de traitement.

Ces installations sont exploitées par des compagnies privées, des collectivités locales, des groupements d’agriculteurs, des sociétés mixtes. Le gaz est le plus souvent livré en l’état à des réseaux de chaleur communaux (chaleur ou cogénération) ou converti sur place en électricité (livrée au réseau).

Modèle danois ou modèle allemand ?

En fait, l’éventail des possibles reste large. La digestion des déjections d’élevages peut s’effectuer par de grandes ou petites unités, avec ou sans apport d’autres déchets, de façon collective ou individuelle. On recense des unités individuelles pratiquant la codigestion. Des unités collectives peuvent concerner deux ou trois éleveurs et restent de taille modeste.

L’équilibre économique et le contexte réglementaire conditionnent la réalisation de ces projets.

Le prix d’achat de l’énergie, de l’ordre de 0,70 F/kWh en Allemagne, explique en partie le récent développement du biogaz "à la ferme" dans ce pays. Quant au modèle danois, il tarde à s’exporter à travers l’Europe car il repose sur des conditions particulières à ce pays — tarif élevé d’achat de l’électricité, présence de nombreux petits réseaux de chaleur, forte densité d’élevages, culture de coopération entre agriculteurs…

Du côté de la réglementation : rien n’est encore prévu pour les amendements organiques issus d’un mélange de lisiers et d’autres déchets. Le sort des déchets d’origine animale est incertain, et il est probable que la réglementation se construira en même temps que la réalisation des premiers projets.

 

Christian Couturier, Solagro



Rouler au tournesol

Valenergol, petite société agenaise répond à un double défi : proposer une énergie économe et renouvelable, et de plus, produire des protéines végétales propres à combler en partie le déficit européen. Et ce grâce au tournesol.

 

Alain Juste ne manque pas de conviction. A l’écoute de son temps, très tôt les crises de l’énergie l’interpellent. Lui, homme du bâtiment (il se définit avec délice comme un intellect-truelle), en vient à s’intéresser au carburant végétal, plus précisément à l’huile de tournesol. Non pas l’alimentaire, mais huile végétale brute (hvb) destinée à la carburation et à la lubrification des moteurs.

Dans les années quatre-vingt-dix, le Cirad (1) mène des expérimentations sur ce type de carburant. En 1996, Alain Juste et son associé, intéressés par les énergies renouvelables et militants environnementalistes, créent la société Valenergol près d’Agen pour mettre en application ces travaux, surtout pour démontrer la viabilité de cette filière à deux volets économiquement liés : la production de carburant et de tourteaux, complément à l’alimentation du bétail, d’actualité à l’heure où il est question d’autonomie en protéines végétales.

Pourquoi le tournesol ? C’est une culture sèche, donc non-irrigable, peu gourmande d’intrants. Produit localement, pas obligatoirement en jachère, il permet un approvisionnement au faible coût de transport. De plus, il n’existe pas de tournesol ogm, ce qui permet de lever cette hypothèque.

Investissements modestes et peu de technicité

Valenergol produit une huile de pression à froid, ne subissant aucun traitement de raffinage, de dégommage, de neutralisation et de décoloration. La fabrication comporte trois phases (contre une douzaine pour les esters de méthyle) : trituration, décantation, et filtration. Il faut quatre jours pour obtenir un carburant. La fabrication de l’huile végétale brute requiert des investissements modestes et peu de technicité. Une tritureuse et ses annexes, unité de production de base, revient à environ 50 000 francs. Des unités de production d’hvb pourraient être disséminées dans les campagnes, prises en charge par des Cuma ou des paysans qui se regrouperaient.

Valenergol commercialise l’huile à 4 francs le litre.

L’hvb, destinée aux moteurs à injection indirecte avec préchambre de combustion, est miscible et peut être utilisée mélangée à du gazole ou bien pure. Un mélange supérieur à 50 % d’hvb nécessite un réglage des injecteurs, soit un coût d’environ 300 francs.

Ce biocarburant se stocke facilement car c’est un corps stable, peu dangereux et peu polluant.

Ce bilan positif tant pour l’agriculture que pour l’environnement n’est pas du goût du lobby pétrolier. Sous sa pression, le ministère de l’Economie et des Finances a engagé des poursuites contre Valenergol qui n’acquitte pas la taxe indirecte sur les productions pétrolières (tipp). Citation à comparaître, lui a été signifiée pour le 20 septembre prochain, devant le tribunal de police d’Agen.

En France, on n’a pas de pétrole, mais on possède Bercy.

 

Alain Rauchvarger

 

(1) Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement, bien connu des lecteurs de Campagnes solidaires.