MINISTERE DE L'ECONOMIE DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE

DIRECTION NATIONALE DU RENSEIGNEMENT ET DES ENQUÊTES DOUANIÈRES

AGENCE DE POURSUITES ET DE RECOUVREMENT

 

OBJET: .Affaire Douanes c Messieurs JUSTE, BEDOURET, Société VALENERGOL

 N/REF : APR 610/1998-30010 - Audience du 08/04/2002 à 14H

PJ : 1 jeu de conclusions

 

 

 

 

CONCLUSIONS D'APPEL

A Monsieur le Président et les Conseillers

22 Rue de Charonne 75011 PARIS    composant la chambre correctionnelle de la Cour d'Appel d'AGEN

Affaire n° 610/1998‑30010 (DD9 bis)   

POUR :  LE DIRECTEUR GENERAL DES DOUANES ET DROITS INDIRECTS,

Représenté par Dominique DAAS, agent poursuivant  Exerçant l’action fiscale

CONTRE:

Monsieur Alain JUSTE, né le 24/10/1949 à NANTERRE (92)

Domicilié LA TUQUETT'E - PONT DU CASSE - 47480 PONT DU C ASSE

Monsieur Alain BEDOURET, né le 20/04/1953 à AGEN (47)

Domicilié avenue du Maréchal Bugeaud 47000 AGEN

PÉNALEMENT: RESPONSABLES

La Société VALENERGOL. sise LA TUQUETTE 47480 PONT DU CASSE

SOLIDAIREMENT RESPONSABLE

 

ATTENDU que MM. JUSTE, BEDOURET ainsi que la société VALENERGOL ont été convoqués à l'audience du 20/09/2001 devant le Tribunal de police d' AGEN sur citations directes de I'administration des Douanes pour avoir, courant 1997 et en temps non prescrit, commis une manœuvre ayant pour but ou pour résultat de faire bénéficier son auteur d'une exonération, d'un dégrèvement ou d’une taxe réduite prévus en ce qui concerne les produits pétroliers, s'agissant de l'utilisation à 1a carburation. et de la vente à cet effet, sans autorisation, de 10 000 litres d'huile de tournesol d'une valeur de 5.335,72 euros ayant éludé 7.508,88 euros de taxes.

 

ATTE'NDU que cette affaire a été évoquée le 20/09/2001 et que par jugement du 18/10/2001 le Tribunal de police a reconnu les prévenus coupables des faits qui leur étaient reprochés.

 

ATTENDU cependant que le juge de première instance a retenu l’existence de circonstances atténuantes au profit des intéressés et a ainsi réduit au tiers l'amende douanière ainsi que la somme correspondant aux taxes éludées.

 

ATTENDU que l'administration des Douanes a relevé appel de ce jugement dont e1le entend obtenir la réformation uniquement sur le prononcé, au titre des taxes éludées, d’un montant réduit au tiers des taxes réellement fraudées.

 

I - SUR LA REFORME DU JUGEMENT RENDU LE 18/10/2001 PAR LE TRIBUNAL DE POLICE D'AGEN :

 

ATTENDU que le Tribunal de Police d'Agen a reconnu la culpabilité de MM. JUSTE, BEDOURET ainsi que de la société VALENERGOL.

 

ATTENDU cependant que le Tribunal a estimé qu'il convenait de retenir l'existence de circonstances atténuantes au profit des prévenus.

 

Qu'en effet en vertu de l'article 369 § 1 c) et d) du Code des Douanes, s’il retient les circonstances atténuantes le Tribunal petit réduire le montant des amendes  et des sommes tenant lieu de confiscation jusqu'au tiers de leur montant minimal.

 

ATTENDU toutefois que l'article précisé n’ autorise nullement le Tribunal à diminuer le montant des taxes éludées, une réduction ne pourtant s'envisager qu'en matière d'amende et de somme tenant lieu de confiscation.

 

ATTENDU au contraire qu'aux termes des articles 377bis et 369 § 4 du Code des Douanes, les tribunaux ne peuvent dispenser le redevable des droits et taxes éludés (C.Cass. crim. 28/03/1994 : BC n° 116 p. 255 ; 20/03/1995 : BC n° 113 p. 327; 06/08/1996 : BC n° 304 p. 917).

 

Qu'ainsi les juges ne peuvent dispenser le redevable du paiement de ces sommes même s'ils le font bénéficier des circonstances atténuantes (cass. crim. 14/06/1993 : BC n° 207 p. 519).

 

Que cela s'explique par le fait que le droit pour !'administration d'obtenir le paiement des sommes fraudées ou indûment obtenues, qu'elle tient de l'article 377bis, a 1e caractère d'une action civile.

 

ATTENDU en conséquence que les taxes éludées d'un montant de 7.508,88 euros (49.255 F) ont été diminuées a tort à 2.502,96 euros (l6.418,33 F).

 

II - LES FAITS :

 

ATTENDU que la Société VALENERGOL SARL a pour objet la valorisation énergétique des produits oléagineux (tournesol).

 

ATTENDU que l'enquête des agents des Douanes effectuée au sein de cette société a permis d'établir qu'elle commercialisait pour la carburation de l'huile de tournesol pure, utilisable soit en mélange, soit en substitution totale à du gasoil.

 

Que la société reconnaît avoir fabriqué en 1997, 10000 litres d'huile végétale brute.

 

Que les acheteurs interrogés ont précisé avoir utilisé l'huile, en mélange, à hauteur de 30% avec du gasoil, comme carburant dans les véhicules de leur exploitation.

 

ATTENDU que l'enquête a permis d'établir que la Société VALENERGOL ne disposait d'aucune autorisation administrative (DGDDI, Direction Générale des Douanes et Droits Indirects et DHYCA Direction des hydrocarbures) de commercialisation d'huile végétale comme bio carburant.

 

ATTENDU pourtant que l'utilisation. à titre expérimental d'un carburant composé d'un mélange de gazole et d'huile de tournesol telle que pratiquée par VALENERGOL nécessitait la délivrance d'une autorisation de la direction des hydrocarbures.

 

Qu'en outre du point de vue fiscal, cette expérience ne peut pas bénéficier de l'exonération partielle de la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers (T.I.P.P.) telle que prévue par l'article 25 de la Loi de Finance rectificative pour 1997 qui ne s'applique qu'aux esters méthyliques d'huiles végétales et non pas aux huiles.

 

ATTENDU en conséquence que l'utilisation à la carburation et la vente à cet effet, sans autorisation, de 10000 litres d'huile de tournesol d'une valeur de 35.000 F, constitue une manœuvre ayant pour but ou pour résultat de faire bénéficier son auteur d’une exonération, d'un dégrèvement ou d'une taxe réduite prévus en ce qui concerne les produits pétroliers.

 

Que cette contravention douanière a. permis d'éluder 49.255 F de T.I.P.P. et autres taxes concernant les produits pétroliers et qu'elle est imputable à la société VALENERGOL ainsi qu'à ses dirigeants MM. JUSTE et BEDOURET.

 

 III - LE DROIT :

 

ATTENDU qu'aux termes de l'article 265ter du Code des Douanes :

« 1. Sont interdites l'utilisation à la carburation, la vente ou la mise en vente pour la carburation des produits dont l'utilisation et la vente pour cet usage n'ont pas été spécialement autorisés par des arrêtés du ministre du budget et du ministre de l'industrie;

 2. Sans préjudice des interdictions ou pénalités qui pourraient résulter d'autres dispositions législatives, les produits utilisés ou destinés à être utilisés ou en violation des prescriptions du 1 ci‑dessus sont passibles des taxes applicables au supercarburant plombé. »

 

ATTENDU ainsi que pour des raisons tenant à la sécurité des usagers et à la préservation de l'environnement, l'utilisation d'un carburant doit être autorisée conformément aux dispositions de l'article 265ter du Code des Douanes et de son arrêté d'application à savoir l'arrêté du 22 décembre 1978 modifié.

 

ATTENDU que le mélange composé de gazole et d'huile de tournesol utilisé par la société VALENERGOL ne figure pas parmi la liste fixée par cet arrêté.

 

ATTENDU que la T.I.P.P. est due sur tout produit destiné à être utilisé comme carburant.

 

ATTENDU qu'en vertu de la directive 92/81 du 19 octobre 1992 concernant l'harmonisation des structures des droits d'accises sur les huiles minérales « tout produit destiné à être utilisé, mis en vente ou utilisé comme carburant ou comme additif ou en vue d'accroître le volume final des carburants est taxé comme un carburant. » (article 2.3).

 

Qu'appliquant ce principe d'harmonisation fiscale communautaire, la France a adopté la règle selon laquelle « tout produit destiné à être utilisé, mis en vente ou utilisé comme carburant pour moteur est assujetti à la taxe intérieure de consommation au taux applicable au carburant dans lequel il est incorporé ou auquel il se substitue. » (article, 265-3 du Code des Douanes)

 

Qu'au regard des réglementations communautaire et nationale, le critère sur la base duquel un produit autre qu'une huile minérale est soumis à la T.I.P.P. assise sur les carburants n'est donc pas constitué par la nature du produit mais uniquement par sa destination de carburant.

 

ATTENDU, par conséquent, qu'un tel produit est passible de la T.I.P.P à compter du moment où il est destiné à être utilisé comme carburant, y compris lorsqu'il s'agit d'une huile d'origine végétale.

 

*   *

*

ATTENDU pour finir que la société VALENERGOL n'a pas vocation à bénéficier du régime dérogatoire prévu sous certaines conditions par la Loi de Finances rectificative pour 1997.

 

ATTENDU en effet, qu'en vue de contribuer au développement communautaire des biocarburants, la France a mis en place un régime fiscal permettant aux unités de production agréées aux fins de production de biocarburants de bénéficier d'une exonération de T.I.P.P., dont le montant varie en fonction de la filière à laquelle elle est appliquée (dérivés de l'alcool éthylique d'origine agricole ou filière esters méthyliques d'huile végétale).

 

Qu'ainsi l'article 25 de la Loi n° 97-1230 du 29 décembre 1997 portant loi de finances rectificatives pour 1997 dispose qu'à condition d'être « élaborés sous contrôle fiscal dans des unités agréées en vue d'être utilisés comme carburant ou combustible », ces filières bénéficient d'une exonération de T.I.P.P. dont le montant est fixé annuellement.

 

Qu'à partir du moment cette exonération s'analyse comme une dérogation au régime communautaire applicable aux accises, son bénéficiaire doit répondre à des conditions précises.

 

Que l'exonération de la T.I.P.P. au titre des biocarburants ne peut donc être accordée qu'à une installation agréée par le ministre chargé du budget, à la suite d'une procédure d'appel à candidatures publié au Journal Officiel des Communautés européennes et après avis d'une commission d'examen nationale.

 

Que par ailleurs, la nature de la production réalisée au titre des biocarburants doit consister en des esters d'huiles végétales et non des huiles végétales comme c'est le cas de la société VALENERGOL.

 

ATTENDU que saisi en mars 1998 par M. Alain VEYRET, député du Lot-et-Garonne, le secrétaire d'Etat au budget a rejeté la demande d'exonération de la SARL VALENERGOL dans la mesure où le carburant produit ne correspondait pas à un ester, produit couvert par l'article 25 de la Loi de finances rectificative pour 1997 et par l'arrêté du 28 août 1997 pris pour son application, mais à une huile, non détaxable aux termes de cette loi.

 

ATTENDU que s'agissant des sanctions applicables, l'article 411 du Code des Douanes prévoit :

 

1. Est passible d'une amende comprise entre une et deux fois le montant des droits et taxes éludés ou compromis toute infraction aux dispositions des lois et règlements que l'administration des douanes est chargée d'appliquer lorsque cette irrégularité a pour but ou pour résultat d'éluder ou de compromettre le recouvrement d'un droit ou d'une taxe quelconque et qu'elle n'est pas spécialement réprimée par le présent code.

 

2. Tombent, en particulier, sous le coup des dispositions du paragraphe précédent, les infractions ci-après quand elles se rapportent à des marchandises de la catégorie de celles qui sont passibles de droits ou taxes : toute manœuvre ayant pour but ou pour résultat de faire bénéficier indûment son auteur ou un tiers d'une exonération, d'un dégrèvement ou d'une taxe réduite prévus en ce qui concerne les produits pétroliers.

 

IV - LES RESPONSABILITES :

 

ATTENDU que MM JUSTE et BEDOURET ont engagé leur responsabilité pénale, en leur qualité de représentant légaux de la société précitée.

 

Qu'en effet, «les gérants des sociétés à responsabilité limitée sont les organes, des personnes morales qu'ils représentent et qu'ils engagent, et non les préposés de ces personnes morales. » (Cassation Criminelle du 27/06/1977).

 

ATTENDU en outre que cette société a fabriqué et proposé à la vente un produit servant de carburant sans aucune autorisation des ministères concernés.

 

Que MM JUSTE et BEDOURET sont des professionnels qui se sont sciemment rendus coupables de la contravention douanière qui leur est reprochée dans la mesure où ils savaient que l’expérimentation qu'ils avaient mise en place était soumise à autorisation et que l'huile de tournesol qu'ils commercialisaient était passible des taxes sur les produits pétroliers de par sa destination de carburant.

 

Que sur audition, ils ont par ailleurs confirmé que l'huile de tournesol avait été produite à des fins de carburation de véhicules et également utilisée sur leur véhicule à titre expérimental.

 

Qu’en application de l'article 407 du Code des Douanes, la société VALENERGOL en sa qualité de propriétaire des marchandises litigieuses sera tenue solidairement des condamnations prononcées contre MM JUSTE et BEDOURET.

PAR CES MOTIFS     PLAISE A LA COUR

 

DÉCLARER l'appel interjeté par l'administration des Douanes recevable ;

 

CONFIRMER le jugement rendu le 18/10/2001 par le Tribunal de Police d'AGEN en ce qu'il a déclaré MM..JUSTE et BEDOURET coupables des faits qui leur sont reprochés et en ce qu'il les a condamnés solidairement avec la société VALENERGOL à payer à l'Administration des Douanes une amende de 2.502,96 euros (16.418,33 F) au titre de l’article 411 du Code des Douanes.

 

INFIRMER le jugement rendu le 18/10/2001 en ce qu'il a condamné MM. JUSTE et BEDOURET solidairement avec la société VALENERGOL à payer à l'Administration des Douanes une somme de 2.502,96 euros au titre des taxes éludées alors que le montant réellement éludé s'élève à 7.508,88 euros.

 

CONDAMNER MM. JUSTE et BEDOURET solidairement avec la société VALENERGOL à payer à l'Administration des Douanes :

 

 les taxes éludées d'un montant de 7.508,88 euros (49.255 F) (article 3 77bis du C.D.).

 

SOUS TOUTES RESERVES