Jugement N° 01/00163
AUDIENCE DU 18 Octobre 2001
Extrait :
5ème
classe
LE
TRIBUNAL DE POLICE d’AGEN
14 B Rue Diderot ainsi
constitué :
Président :
M.LECLAINCHE
Greffier : Mme KERN-GOURVEST
Ministère
Public : Mme Marie-Laure
MACAIRE Substitut de Monsieur le PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE près le Tribunal de
Grande Instance d’AGEN
A rendu en son
audience du DIX HUIT OCTOBRE DEUX
MIL UN
Le jugement
suivant :
Le Ministère
Public,
ET
Monsieur le DIRECTEUR
GENERAL DES DOUANES ET DROITS INDIRECTS dont le siège est au 23 Bis Rue de
l’Université – 75007 PARIS , en ses bureaux de la D.N.R.E.D., 22 Rue de Charonne
– 75011 PARIS
D’UNE PART ;
1° - JUSTE Alain, Luc, demeurant Lieu-dit « La Tuquette »
- 47480 PONT DU CASSE, né le 24 Octobre 1949 à NANTERRE
(HAUTS-DE-SEINE)
Comparant, assisté de Maître BOULANGER
Gérard, avocat au Barreau de BORDEAUX.
PREVENU, cité à personne par acte de le D.N.R.E.D. en date du 14
Février 2001
2° - BEDOURET Alain, demeurant 2, Avenue du Maréchal Bugeaud –
47000 AGEN, né le 20 Avril 1953 à AGEN (LOT-ET-GARONNE)
Comparant, assisté de Maître BOULANGER
Gérard, avocat au Barreau de BORDEAUX.
PREVENU, cité à personne par acte de le D.N.R.E.D. en date du 14
Février 2001-
3° - LA SARL VALENERGOL prise en la personne de ses représentants
légaux et dont le siège social est situé – Lieudit « La Tuquette » -
47480 PONT DU CASSE.
PREVENUE, citée en la personne de Mr Alain JUSTE
par acte de le D.N.R.E.D. en date
du 14 Février 2001
Représentée par Maître BOULANGER Gérard,
avocat au Barreau de BORDEAUX.
D’AUTRE PART
L’huissier a fait l’appel de la cause, l’instruction a eu lieu dans les
formes prescrites par les articles 535 et suivants du code de procédure
pénale ;
Le Greffier a tenu note du déroulement des
débats
Ont été entendus :
-
Le Ministère
Public en ses réquisitions ;
-
La Direction
Générale des Douanes et Droits Indirects
-
Mr Alain
JUSTE
-
Mr Alain
BEDOURET
-
Maître
BOULANGER en ses plaidoiries.
Et le Tribunal a ainsi
statué :
Attendu qu’exerçant l’action
fiscale, le Directeur Général des Douanes et Droits Indirects a fait citer par
actes du 14 Février 2001
Attendu qu’il est reproché à Messieurs JUSTE et BEDOURET d’avoir à PONT-DU-CASSE (Lot et Gne) et sur le territoire national, courant 1997 et en temps non prescrit, commis une manœuvre ayant pour but ou pour résultat de faire bénéficier son auteur d’une exonération, d’un dégrèvement ou d’une taxe réduite prévus en ce qui concerne les produits pétroliers, s’agissant de l’utilisation à la carburation et de la vente à cet effet, sans autorisation, de 10.000 litres d’huile de tournesol d’une valeur de 35.000,00 Frs ayant éludé 49.255,00 Frs de taxes dont l’administration des Douanes demande le paiement ;
Attendu que par conclusions déposées et jointes au dossier le 14
Septembre 2001, puis à l’audience du 20 Septembre 2001, le DIRECTEUR GENERAL DES
DOUANES ET DROITS INDIRECTS demande au Tribunal de :
v une amende de
49.255,00 Francs en vertu de l’article 411 du Code des
Douanes ;
v les taxes
éludées, d’un montant de 49.255,00 Francs, en vertu de l’article 377 bis du Code
des Douanes .
Attendu qu’à l’appui de ces demandes le Directeur Général des Douanes
expose que la SARL VALENERGOL a pour objet la valorisation énergétique des
produits oléagineux ; qu’elle s’intéresse plus particulièrement à
l’élaboration d’un carburant à base de tournesol, utilisable soit pur, soit
mélangé à du gas-oil ; qu’elle à fabriqué 10.000 litres de ce carburant en
1997 et en a vendu une partie ; que les acheteurs ont indiqué l’avoir
utilisé en mélangeant 30 % de ce bio-carburant à 70 % de
gas-oil ;
Attendu que l’administration soutient que la Société VALENERGOL n’avait
pas obtenu pour ces ventes l’autorisation exigée par l’article 265 ter du Code
des Douanes, lequel dispose que :
1- « Sont
interdites l’utilisation à la carburation, la vente ou la mise en vente pour la
carburation des produits dont l’utilisation et la vente pour cet usage n’ont pas
été spécialement autorisés par des arrêtés du ministre du Budget et du ministre
de l’Industrie ;
2- Sans préjudice des
interdictions ou pénalités qui pourraient résulter d’autres dispositions
législatives, les produits utilisés ou destinés à être utilisés ou en violation
des prescriptions du 1 ci-dessus sont passibles des taxes
applicables au super-carburant plombé.
3- Les conditions
d’application du 2 ci-dessus sont fixées par un arrêté du
ministre du Budget» ;
Attendu que l’administration affirme que la Taxe Intérieure sur les Produits Pétroliers ( T.I.P.P.) est due sur tout produit destiné à être utilisé comme carburant ; que cette extension résulte de l’article 265 ter du Code des Douanes, précité, lequel est en parfaite conformité avec la directive européenne n° 92/81 du 19 Octobre 1992 ; qu’il résulte de cette législation que le critère d’application de la T.I.P.P. n’est pas la nature du produit, mais sa destination de carburant ;
Attendu que l’administration précise que le carburant proposé par la Société VALENERGOL ne figurait pas au moment des faits sur la liste fixée par l’arrêté du 22 Décembre 1978, modifié en 1991 et ne bénéficie d’ailleurs, à ce jour, d’aucune dérogation ;
Attendu que l’administration soutient enfin que Messieurs JUSTE et BEDOURET ont engagé leur responsabilité pénale en tant qu’organes de la SARL VALENERGOL ; qu’ils ont agi en sachant que, même à titre expérimental, leur activité était soumise à une autorisation dont ils ne disposaient pas ; qu’ils ont utilisé personnellement le carburant non vendu ; que la SARL VALENERGOL doit être déclarée solidaire de ses dirigeants en vertu de l’article 407 du Code des Douanes ;
Attendu qu’en réponse les prévenus concluent pour demander au Tribunal de :
SUR LA FORME . AVANT
TOUTE DISCUSSION :
Constatant les irrégularités formelles, de
déclarer nulle la présente procédure ;
Dire et juger que l’huile de tournesol n’est pas un produit pétrolier,
EN CONSEQUENCE, relaxer Messieurs JUSTE et BEDOURET de toutes les poursuites ;
Attendu que pour voir déclarer la procédure nulle ils faisaient valoir que les procès-verbaux avaient certes été rédigés au lieu-dit « Artigues », mais sur la commune de Pont du Casse, et non sur celle de Foulayronnes ; que le procès-verbal n°2 est daté du 27 Mai 1998 à Agen, alors que le contrôle du 26 Février 1998 a eu lieu à Pont du Casse ; que les textes visés par les citations sont différents de ceux visés par les procès-verbaux ; qu’il en résulte une ambiguïté suffisant à entraîner la nullité pour vice de forme ;
Attendu que, sur le fond, les prévenus font valoir que la préservation de l’environnement doit conduire à favoriser les bio-carburants ; que, comme son nom l’indique, la T.I.P.P. porte sur les produits pétroliers, et non sur les huiles végétales ; que la Société VALENERGOL vend de l’huile de tournesol, et non du carburant ; que l’utilisation faite de cette huile est indifférente :
MOTIFS
DE LA DECISION :
Attendu que si les conclusions ne portent que le nom de Messieurs JUSTE et BEDOURET, la Société VALENERGOL est représentée à l’audience ;
Attendu qu’en vertu de l’article 385, dernier alinéa du Code de Procédure Pénale les exceptions de nullité doivent être présentées avant toute défense au fond : qu’elles ne peuvent donc plus l’être après qu’a commencé l’interrogatoire du prévenu ; qu’en l’espèce elles n’ont été présentées qu’une fois l’interrogatoire de Messieurs JUSTE et BEDOURET terminé ; qu’au surplus les conclusions écrites n’avaient pas été déposées avant l’audience : qu’il y a donc lieu de déclarer les exceptions irrecevables ;
Attendu qu’il ressort du procès-verbal du 26 Février 1998, confirmé par les déclarations des prévenus à l’audience, que la Société VALENERGOL a fabriqué, en particulier en 1997, de l’huile végétale brute de tournesol, utilisable comme carburant, soit en mélange, soit en substitution totale de produits pétroliers ;
Attendu qu’il ressort du procès-verbal du 8 Septembre 1998 que Mr François MARSICK a acheté de cette huile les 22 Janvier 1997 et 14 Février 1998 ; qu’il l’a utilisée en la mélangeant, dans une proportion de 30 %, à du gas-oil, avec le véhicule de sa société, pensant selon les dires des intéressés qu’ils avaient une autorisation spéciale pour la vendre à des fins de carburation ;
Attendu que le même jour Mr Bernard PERE, agriculteur, reconnaissait avoir acheté 700 litres de l’huile litigieuse, et l’avoir pour partie utilisée, mélangée de la même façon, pour son véhicule personnel ; qu’il affirmait cependant l’avoir utilisée, pour la plus grande partie, dans l’alimentation de ses volailles ;
Attendu que figurent également au dossier de nombreuses factures, établissant l’importance des ventes réalisées à partir de 1996 et en 1997 ; que par lettre du 2 Mars 1998, Mr BEDOURET, pour la SARL VALENERGOL, confirmait aux services douaniers que le chiffre des ventes se montait à 67.323 Frs , ce qui correspondait à la fabrication de 10.000 litres d’huile végétale brute ;
Attendu qu’à l’audience Messieurs JUSTE et BEDOURET confirment l’ensemble de ces faits, soulignant seulement avoir agi dans un cadre expérimental ;
Attendu qu’il ressort en outre de l’ensemble des courriers reçus et envoyés à diverses administrations et élus, dès 1997, que Messieurs JUSTE et BEDOURET avaient si bien conscience de ne bénéficier d’aucune exemption qu’ils n’ont cessé de la réclamer, en vain jusqu’à aujourd’hui ; qu’ils ne contestent d’ailleurs pas avoir eu conscience de cet état de la législation française, qu’ils disent seulement anormal au regard des textes européens ;
Attendu que si la directive n° 92/81 C.E.E. du 19 Octobre 1992, en son article 8, § 2, d) autorise les États membres à exonérer partiellement ou totalement les bio-carburants des droits d’accises, elle n’a ni pour but ni pour effet de les y obliger ;
Attendu que la taxation différenciée, selon leur qualité, des produits énergétiques est également admise par la proposition de la Commission adoptée en 1997 ; que le principe d’égalité ne s’oppose pas à une exonération des esters, bien plus purs que les huiles brutes ;
Attendu qu’ainsi l’article 265 ter du Code des Douanes apparaît parfaitement applicable ; qu’il interdit l’utilisation à la carburation et à la vente pour la carburation de l’huile brute de tournesol, reconnues par les prévenus, et rend cette huile passible des taxes applicables au supercarburant plombé ; qu’il importe peu qu’une partie de l’huile ait été employée à d’autres usages, dès lors que le tout a été vendu comme propre à la carburation ; qu’ainsi les irrégularités ont eu pour but ou pour résultat de faire bénéficier indûment Messieurs JUSTE, BEDOURET et de nombreux tiers, dont Messieurs MARSICK et PERE, d’une exonération de la T.I.P.P. ; que la contravention douanière prévue et réprimée par les articles 265 ter et 411 du Code des Douanes est donc constituée ;
Attendu que les contraventions de la deuxième classe prévues par l’article 411-1 du Code des Douanes sont passibles d’une amende comprise entre une et deux fois le montant des taxes éludées, sans préjudice du paiement des droits et taxes exigibles ;
Attendu qu’en l’espèce le calcul par l’administration de ces taxes à la somme de 49.255,00 Francs, contenu dans le procès-verbal du 27 Mai 1998 ne fait l’objet d’aucune contestation ;
Attendu que sans justifier l’infraction, la réponse du Ministre de l’Agriculture, de la Pêche et de l’Alimentation en date du 4 Août 1995, transmise à Mr JUSTE le 23 Octobre 1995, affirmant que seuls les hydrocarbures sont soumis à la T.I.P.P. ; que dès lors l’utilisation de l’huile brute pure (comme celle de l’ester pur) ne saurait donner lieu à exonération d’une taxe à laquelle elle n’est pas assujettie illustre la complexité de la matière et conduit à retenir l’existence de circonstances atténuantes au profit de Messieurs JUSTE et BEDOURET ;
Attendu qu’en vertu de l’article 369, c) et d) du Code des Douanes, s’il retient des circonstances atténuantes le Tribunal peut réduire le montant des amendes fiscales et des sommes tenant lieu de confiscation jusqu’au tiers de leur montant minimal ;
Attendu qu’en vertu de l’article 406 du même Code les condamnations contre plusieurs personnes sont solidaires, tant pour les pénalités pécuniaires tenant lieu de confiscation, que pour l’amende et les dépens ; que l’article 407 étend cette solidarité au propriétaire des marchandises de fraude, en l’espèce la SARL VALENERGOL ;
Attendu qu’au titre de l’amende il y a lieu de condamner solidairement de Mr Alain JUSTE, Mr Alain BEDOURET et la SARL VALENERGOL au paiement de la somme de 16.418,33 Francs ;
Attendu qu’au titre des sommes tenant lieu de confiscation et en vertu de l’article 377 bis du Code des Douanes, il y a lieu de condamner solidairement Mr Alain JUSTE, Mr Alain BEDOURET et la SARL VALENERGOL au paiement de la somme de 16.418,33 Francs ;
Attendu que les mêmes seront encore condamnés solidairement aux dépens ;
Le Tribunal statuant publiquement,
contradictoirement et en premier ressort,
Déclare Mr Alain JUSTE et Mr Alain
BEDOURET coupables des faits qui leur sont
reprochés ;
Les condamne solidairement avec la
SARL VALENERGOL à payer à l’Administration des
Douanes :
v une amende de SEIZE MILLE QUATRE
CENT DIX-HUIT FRANCS ET TRENTE TROIS CENTIMES (16.418,33
Frs) ;
v la somme de SEIZE MILLE QUATRE
CENT DIX-HUIT FRANCS ET TRENTE TROIS CENTIMES (16.418,33 Frs) au titre des taxes
éludées ;
Dit que la présente décision est
assujettie à un droit fixe de procédure d’un montant de 150.00 FRANCS
dont est redevable chaque condamné ;
Fixe la contrainte par corps à la
durée prévue par l’article 750 du code de procédure
pénale ;
Condamne solidairement Mr Alain JUSTE, Mr Alain BEDOURET et la SARL VALENERGOL aux dépens .
Ainsi fait et jugé les jour, mois et an susdits. Le présent jugement a été signé par le Président et le Greffier.
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APPELS
DEPOSES :
APPEL : en date du 19/10/2001 de
Messieurs JUSTE, BEDOURET et la SARL VALENERGOL
APPEL : en date du 24/10/2001
de Mr MANPRIN pour l’ADMINISTRATION DES DOUANES
APPEL : en date du 29/10/2001
de Mr MANPRIN pour l’ADMINISTRATION DES DOUANES remplaçant et annulant celui du
24/10/2001